samedi 21 juillet 2012

Crêpe Suzette

La scène se déroule sur le bord d'un restaurant. Sur le bord du restaurant, un vendeur en blouse blanche au teint basané de ceux qui viennent des profondeurs des terres indiennes et lointaines tient son guichet de crêpes.

Un vendeur des terres indiennes et lointaines tient son guichet de crêpes. Au dessus de sa tête une ardoise suspendue avec les choix attendus. Les choix attendus d'une rue parisienne. D'une rue passante, passante et normale, traversée par des parisiens que l'on voit passer en marche déterminée et presque militaire devant ce guichet.

Et pourtant, une jeune femme s'y arrête. Dévorée par son devoir. Les impératives obligations. Les obligations impératrices. Les impératives obligations de souvenirs à créer. Des souvenirs à dire. Les souvenirs de voyage. Cette jeune femme touriste s'y arrête et ose sans pointe de gêne demander de son accent de l'est de l'Europe: "Krrrep soucette!".

- Quoi ? demande le vendeur en blouse blanche des profondeurs des terres indiennes et lointaines, venu en France gagner sa fortune et au pays par les siens attendu.
- Quoi ? les yeux écarquillés.

- Oui, siouplai, krrrreep soucette.

- Quoi ça kreeep soucette ?
Au dessus de sa tête une ardoise suspendue avec les choix attendus. Les choix attendus d'une rue parisienne. D'une rue passante et passante, traversée par des parisiens que l'on voit passer sans s'attendrir jamais devant ce guichet. Sucrée ou salée.

J'aurais voulu savoir. Regarder davantage, entendre ce qui allait se passer. J'aurais voulu savoir si l'incommunication allait se détendre.
Attendrie par les deux. Leurs vœux pieux et respectifs.
En quête de souvenirs romantiques à la française pour l'une, sommé par la vente de crêpes lapidaires sans Suzette et sans façon pour l'autre, se seront-ils compris ?